Étiquettes: Nouvelles, Lang:fr
Résumé:
C'étaient des statues sculptées dans le sable,
d'une étrange et poignante beauté. Les corps se
lovaient dans une faible dépression, ceints d'un lambeau
de tissu gris souillé de vase. On songeait à Adam et
Eve avant que Dieu vînt souffler la vie dans leurs narines
de limon. Le rocher de Tombelaine émergeait de la brume.
Suspendu comme un mirage saharien au-dessus des nuées, le
Mont-Saint-Michel brillait de toutes ses tuiles vermeilles, de
tous les vitraux de sa pyramide abbatiale.
------
— Oui, mais une table, une chaise, on sait à
quoi ça sert. Un écrivain, c’est utile ?
Il fallait bien que la question fût posée. Je
leur dis que la société est menacée de mort par
les forces d’ordre et d’organisation qui
pèsent sur elle. Tout pouvoir – politique, policier
ou administratif – est conservateur. Si rien ne
l’équilibre, il engendrera une société
bloquée, semblable à une ruche, à une
fourmilière, à une termitière. Il n’y aura
plus rien d’humain, c’est-à-dire
d’imprévu, de créatif parmi les hommes.
L’écrivain a pour fonction naturelle d’allumer
par ses livres des foyers de réflexion, de contestation,
de remise en cause de l’ordre établi. Inlassablement
il lance des appels à la révolte, des rappels au
désordre, parce qu’il n’y a rien
d’humain sans création, mais toute création
dérange. C’est pourquoi il est si souvent poursuivi
et persécuté. Et je citai François Villon, plus
souvent en prison qu’en relaxe, Germaine de Staël,
défiant le pouvoir napoléonien et se refusant à
écrire l’unique phrase de soumission qui lui aurait
valu la faveur du tyran, Victor Hugo, exilé vingt ans sur
son îlot. Et Jules Vallès, et Soljenitsyne et bien
d’autres.
— Il faut écrire debout, jamais à genoux.
La vie est un travail qu’il faut toujours faire debout,
dis-je enfin.