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Résumé:
Depuis quelques siècles, ce n'était pas
l'exécrable sonnerie du vieux réveil qui jetait le
dénommé Martial Bonneteau hors du sommeil.
Nous sommes à la fin du siècle dernier, un
chroniqueur distancié nous raconte la vie de Martial
Bonneteau, un petit employé à la quarantaine aigrie,
mal mariée à une femme épaisse et acariâtre
qu’il n’a jamais pu satisfaire sexuellement,
père de deux fils aussi tristes que lui et d’une
fille qui se cherche ; Martial est un médiocre qui enfouit
dans la routine et le mépris de soi les frustrations
d’une existence de clone parmi les clones.
Extrait
Le réveil : monstrueuse anomalie plastifiée
vampirisant sans vergogne le faux stuc de la très navrante
table de chevet.
Le réveil et la table de chevet : cadeaux de mariage.
Cadeaux de mariage : forme répandue de terrorisme
familial.
Un tourbillon de pensées maintenait Martial Bonneteau dans
l'éveil toute une partie de la nuit, invisibles,
redoutables harpies qui, après avoir planté leurs
griffes dans le lard du bonhomme, s'y entendaient à
merveille pour l'empêcher de replonger dans l'état
qu'il chérissait entre tous : le sommeil.
Le sommeil : bienheureux, sublime oubli de soi-même ou
béatitude par contrainte physiologique.
Elles surgissaient de partout nulle part, émergeant,
poissons morts, à la surface d'un cerveau pollué par
cinq décennies de rouille et d'hémiplégie
mentales.
Il pivotait alors sur la gauche, côté coeur, et son
tam-tam cardiaque virait au tintamarre. Sur la droite,
côté Madame, et la respiration sifflante d'icelle se
changeait en ouragan tropical. Sur le dos, côté
matelas, et les crampes cannibales lui mangeaient les doigts de
pied.
Veillant à ne pas faire d'inextricables noeuds avec les
draps.
Se lançant, à son corps défendant, dans
d'épouvantables complications géométriques avec
ses membres inférieurs et les rayures de son pyjama
bagnard.
Pyjama bagnard : cadeau involontairement empoisonné des
rejetons Bonneteau.
Évitant surtout, surtout, de réveiller Madame. Faux
mouvements, fausses respirations, faux bruits interdits.
Madame son épouse dormait à ses côtés
depuis maintenant vingt-quatre ans. Vingt-quatre longues
années de trois cent soixante-cinq nuits, soit huit mille
sept cent soixante nuits à supporter son ronflement
d'autant plus agaçant que léger, susurré,
ironique.Présentation de l'éditeur
Et puis un matin, de micro-événements en
micro-événements, un regard dans le métro, un
retard au bureau, Martial Bonneteau va légèrement
diverger de son chemin quotidien bien tracé, et
c’est tout son univers normé qui commence à se
lézarder…
Soudain livré à un confus désir de vivre, notre
anti-héros va connaître bien des mésaventures :
d’abord généreusement initié au sexe et au
plaisir par une prostituée de la rue St-Denis, il va
abattre un par un les murs qui emprisonnait sa vie : retour au
foyer, réaction des proches et des collègues,
scènes de ménages, hystérie familiale, coaching
psychologique… Les scènes d’anthologie se
succèdent sur un rythme de comédie ou de
théâtre de boulevard, et on rit beaucoup.
On rit surtout du portrait au vitriol, presque cynique, que
brosse Bordage de nos aliénations ordinaires.
Jusqu’à la disparition du clone, où, après
l’ironie et l’humour noir, on retrouve
l’écrivain qui nous parle mieux que tout autre
d’humanité.